ouverture petitSi vous avez déjà suivi une formation, peut-être avez-vous assisté à la présentation des règles de bonne conduite proposées par le formateur. Le mot « bienveillance » en faisait-il partie ?

Je l’ai moi-même inclus dans les règles jusqu’à un passé récent, jusqu’à ce que je m’aperçoive que ce n’était pas le comportement que je souhaitais demander.

La bienveillance, c’est vouloir du bien à quelqu’un et ce n’est pas l’objectif d’une formation sauf, éventuellement, si elle en est le sujet. Les participants ne sont pas venus pour vouloir du bien, ce qui supposerait qu’ils fassent le bien. Ils sont en formation pour comprendre et apprendre quelque chose.

Le formateur n’attend pas des membres du groupe qu’ils se fassent du bien entre eux. A moins que ça ne soit un groupe de thérapie, auquel cas il ne s’agit plus d’un formateur mais d’un thérapeute, et la bienveillance doit faire l’objet d’un cadre bien défini où les limites des interactions sont posées.

Il s’agirait de passer un contrat, notion fondamentale en analyse transactionnelle, sur ce que chacun attend de la bienveillance de l’autre.

Le respect trouve sa place dans mes règles de bienséance. Il permet l’acceptation de l’autre dans son intégrité, sa personne, ses idées, ses valeurs. Le respect met de la distance entre les autres et moi. Je peux respecter les idées, les valeurs d’une personne sans pour autant y adhérer.

La notion qui me semble la plus intéressante est celle de tolérance. Quand je demande la tolérance dans un groupe en formation,  j’attends que chacun s’ouvre à ce que dit l’autre. La tolérance signifie l’acceptation de quelque chose que je pourrais refuser, sanctionner, interdire. C’est aussi l’acceptation d’un écart par rapport à la règle, de ce que je crois être vrai, bon, bien. Cela nécessite donc une remise en question de mes propres pensées et comportements.

La bienveillance est, en premier lieu,  une relation à l’autre, un projet pour l’autre.

Le respect est neutre. Je t’accepte tel que tu es et te demande de m’accepter tel que je suis. Chacun pour soi.

La tolérance est d’abord une relation à soi. Je dois m’occuper de mes propres résistances au changement, de la permission à m’accorder pour accepter ce qui ne m’est pas autorisé. C’est l’ouverture à soi avant d’être l’ouverture aux autres. Tolérer, c’est s’ouvrir.

Ces 3 notions peuvent être représentées par un  diagramme des états du moi.

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Je place la bienveillance dans un registre Parental car, sans contrat, elle s’appuie sur les préjugés  de chacun en ce qui concerne la définition et le comportement qui correspond à « faire le bien ». Le risque est d’entrer dans un jeu psychologique –avec un rôle de Sauveteur.

Il est entendu que la bienveillance peut être un comportement Adulte dès lors qu’elle est contractuelle, négociée entre les personnes.

Pour un analyste transactionnel, le respect est d’abord un principe éthique inscrit dans la charte de l’EATA. C’est aussi une valeur constitutionnelle en France.

Le respect est, de fait, une demande légitime et fondamentale pour le bon fonctionnement d’un groupe de personnes en formation, à inscrire dans les règles.

Que doit-on respecter ? Le respect de l’intégrité physique et morale, de la dignité ne pose, à priori, pas de problème. La  parole, les pensées et les valeurs de chacun peuvent causer de profonds désaccords, c’est pour quoi le respect s’applique avec l’état du moi Adulte. C’est OK de respecter tes valeurs, qui ne sont pas les miennes, et ainsi d’avancer ensemble dans le projet de formation qui nous réunit, à condition d’être également respecté.

La tolérance est pour moi une volonté de progresser, de modifier ses représentations du monde. C’est d’abord une remise en question de sa pratique car pour tolérer, il faut qu’auparavant le propos, le comportement ne soient pas admis, voire interdits. C’est reconnaître que ce qui pour moi fait loi est limitant et insuffisant pour le bon fonctionnement collectif. Je dois donc accepter ce changement qui va élargir mon cadre de référence. Je m’autorise aussi à élaborer ma jurisprudence interne et par la même occasion à penser autrement, à expérimenter une nouvelle façon de faire.

Un exemple de tolérance

Aujourd’hui (2014), beaucoup de stagiaires ont un smartphone où ils peuvent recevoir mails et sms. Dans les règles, je demande aux participants de les éteindre pour ne pas être dérangé par une sonnerie intempestive, sauf cas de force majeure. Cependant, j’accepte qu’ils consultent leurs messages dans une propension raisonnable. La notion de raisonnable varie avec chaque consultant. Pour moi, cela signifie : de la discrétion. Se mettre en retrait quelques instants, deux à trois minutes maximum, sans déranger le bon déroulement de la formation. Une fréquence modérée,  une à deux fois par heure.

Une consultation plus soutenue nécessiterait une clarification, en privé, avec l’intéressé.  C’est un indicateur qui m’avertit que j’atteins ma limite de tolérance. En accepter davantage serait synonyme de laxisme et négligence voire, un manque de respect vis à vis du reste du groupe.

La tolérance n’est pas sans limite, le respect vient la cadrer.

Cette question de la tolérance se pose au niveau sociétal. Doit-on tolérer l’euthanasie ? En acquittant le Docteur Bonnemaison les juges ont répondu oui.  Peut-être ont-ils pensé que le respect de la dignité humaine n’était plus observé en maintenant artificiellement en vie certaines personnes en souffrance et proches de la mort. Le docteur Bonnemaison a vraisemblablement voulu être bienveillant.

Pour conclure cet article, je vous propose une lecture comportementale de ces 3 notions avec la grille de Ernst, « l’enclos OK »[1]. L’auteur identifie 4 opérations sociales : « je vais de l’avant avec toi » pour avancer avec l’autre, « vas-t-en » pour se débarrasser de l’autre. Je préfère utiliser « laisse moi faire » pour cette opération que je trouve plus représentative dans la manière de se débarrasser de l’autre. « Je m’en vais » pour fuir loin de l’autre et « je ne sais où aller » pour être dans l’impasse avec l’autre.

Ces opérations peuvent être considérées comme des réponses à la question : Comment je me positionne quand je rencontre quelqu’un ?

Ces opérations s’enracinent sur les positions de vie tel que Berne les a décrites[2].

Je suis OK / Tu es OK (+/+), je suis OK / Tu n’es pas OK (+/-), Je ne suis pas OK / Tu es OK (-/+), je ne suis pas OK / Tu n’es pas OK (-/-).

Ernst associe les opérations sociales aux positions de vie en précisant toutefois les différences essentielles.

–       L’opération sociale peut facilement être modifiée pour « aller de l’avant avec toi », si l’Adulte est aux commandes.

–       Dans une journée, une heure, parfois une minute, nous passons par les 4 opérations.

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[1] Franklin Ernst, L’enclos OK : une grille pour aller de l’avant avec l’autre – Classique AAT 2 – Edition AT
[2] Eric Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe – chapitre 12 – Edition AT