Quand nous regardons le programme du cours 101, nous voyons qu’après la définition de l’AT, les valeurs, arrive le concept d’autonomie. Si cette notion est évoquée si rapidement, c’est pour en rappeler son sens, but ultime, graal de l’analyste transactionnel dans ses accompagnements. Le reste du programme (quasiment la totalité) apporte les clés pour réussir la quête. Evidement le graal n’est pas accessible au premier venu ! Rappelons l’ampleur de la tâche : l’autonomie c’est,

1 – la conscience claire. Je perçois ce qui m’entoure, ici et maintenant, avec mes 5 sens, sans le filtre de mes apprentissages passés.
2 – la spontanéité. Je sais utiliser la palette émotionnelle, mes sentiments et mes pensées que me proposent mes 3 états du moi, de façon fluide et adapté à l’ici et maintenant.
3 – en découle la capacité à l’intimité. Je ne crains pas l’instrumentalisation dans la relation et peux échanger librement et en confiance avec mon ou mes partenaires¹.

Ces trois conditions réunies permettent d’accéder à l’autonomie, étymologiquement, la mise en place de ses propres normes, plutôt que celles imposées par un scénario.

La complexité de l’accompagnement commence ici. Quelqu’un doit aider quelqu’un d’autre à élaborer ses propres normes. Comment faire en sorte que ces normes ne soient pas un peu celles des deux, voire celle de l’accompagnateur ?

Berne a mis en avant l’importance pour le praticien d’être dans son état du moi Adulte, à la fois à des fins modélisantes, mais surtout, en mettant en place une stratégie qui vise à décontaminer et renforcer les frontières de l’Adulte du client². Les Schiff ont parlé du concept de « méconnaissances » et mis au point un fameux tableau pour en sortir³.
Ceci sous-entend que le praticien connaît un chemin qui pourrait conduire le client à l’autonomie, c’est à dire sa guérison. C’est en quelque sorte un GPS. Il permettra d’arriver à un endroit, choisi par le client, après avoir passé un contrat définissant rôles et fonctions de chacun.
Parfois, il nous arrive de regretter la proposition du GPS, qui, sous prétexte de prendre le chemin le plus court, nous fait passer par des routes étroites.

Et si nous coupions le GPS ?

La proposition des pratiques narratives est de laisser le client prendre le contrôle de la situation. Il sait ce qui est bon pour lui. Pour continuer avec la métaphore routière, le praticien est ici une carte qui permettra au client de tracer sa route, choisissant son itinéraire en fonction de ses expériences passées et préférées.
Le praticien n’a ni stratégie ni enjeu de réussite. Il va simplement aider son client à se repérer et à naviguer en sécurité (avec suffisamment d’essence, de provisions, de la musique…) jusqu’à sa destination préférée, celle qui donne un sens positif à sa vie.

Ce n’est plus tant dans l’Adulte que dans l’Enfant que le praticien accompagne son client, motivé par une qualité : la curiosité.

Michael White et David Epson, fondateurs de l’approche narrative, ont imaginé plusieurs temps qui permettent au client de redevenir l’auteur du récit de sa vie. Sans entrer dans la finesse de la pratique, dans un premier temps, client et praticien externalisent le problème4. La personne n’est pas le problème. L’externaliser met de la distance entre ce qui pose problème et la personne elle-même.

En s’intéressant à son client, en lui posant des questions, en écoutant ses récits, le praticien comprend et amène le client à prendre conscience des effets du problème. Première étape de l’autonomie.
Dans un second temps le client va évaluer l’importance du problème sur sa vie, déconstruire cette histoire dominante saturée de problèmes et en construire une nouvelle, alternative, plus favorable. Cette capacité à déconstruire une histoire fabulatrice du passé et à inventer le récit d’aujourd’hui et demain s’élabore principalement dans l’Enfant du client, sous l’impulsion de l’Enfant du praticien. A ce stade le client aura su différencier les pensées et sentiments de ses trois états du moi et adapter son action en conséquence. Il s’agit du deuxième stade de l’autonomie, la spontanéité.

Un autre temps de l’approche narrative consiste à demander à son client ce que des proches pourrait dire de lui, sur sa façon d’être, son comportement dans un contexte donné. Solliciter ces proches pour témoigner, de façon fictive ou réelle, en présence du client, apporte du lien relationnel. Le néologisme utilisé dans l’approche narrative est « remembrement », redevenir membre. J’associe cette action à la capacité de (re)mettre de l’intimité dans les relations, dernier stade de l’autonomie.

L’accompagnement dans ces différents temps de l’approche narrative n’est pas linéaire. Parfois dans l’Adulte, le plus souvent dans l’Enfant, ce n’est qu’à la fin de l’accompagnement que nous pourrons dire que le praticien en a été le maitre d’ouvrage.

[1] Au passage nous noterons que ma capacité à l’intimité n’équivaut pas nécessairement à l’intimité dans la relation qui nécessite que le partenaire ait également cette même capacité.

[2] Principes de traitement psychothérapeutique en groupe – Eric Berne – Chapitre 11

[3] Méconnaissances – Mellor & Schiff – Classique AAT 2

[4] pour aller plus loin : Qu’est-ce que l’approche narrative ? – Alice Morgan