Après Eric Berne, l’AT continue
Au sein de cette « A.T. classique », les différentes approches sont considérées comme complémentaires et susceptibles d’être combinées en dépit de leur divergences.
José Grégoire – Les orientations récentes de l’analyse transactionnelle
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Une école de pensée désigne un ensemble de personnes qui partage des opinions semblables ou un point de vue similaire en philosophie.
Eric Berne a fait de l’AT une discipline ouverte, dans la mesure où le processus reste éthique et contribue à guérir le patient. Nombre de transactionnalistes ont alors apporté leur singularité en contribuant à son développement.
Aujourd’hui encore, l’AT évolue. Chaque trimestre paraît la revue Actualités en analyse transactionnelle (AAT) en français, et le Transactional Analysis Journal (TAJ), en anglais, qui questionne les pratiques. Chaque analyste transactionnel peut y contribuer en écrivant des articles de fond qui contribueront au développement de l’AT. Les cinq écoles présentées ci-dessous sont extraites d’un article de J. Wilson & I. Karina, publié dans le Classique des ATT n°1.
Les émotions, l’AT et le Dalaï Lama
Le nombre d’émotions dites de base varie en fonction des écoles et des théoriciens.
Les quatre unanimement reconnues sont : la joie, la peur, la colère, la tristesse. A cela s’ajoute le dégout et la surprise pour Paul Ekman qui a travaillé sur leur distinction à travers les expressions du visage, identiques quelles que soient les cultures. Il allongera sa liste au fil de ses recherches.
L’AT ne retient que les 4 émotions primaires qui ne sont ni négatives, ni positives. Elles sont simplement des réponses utiles à des stimuli externes.
Origine | Emotion primaire | Réponse efficace |
Danger (réel ou supposé) | Peur | Protection- Contrat factuel- Information chiffrée |
Perte, séparation | Tristesse | Réconfort, Proposition d’aide |
Dommage, Frustration | Colère | Ecoute, Réparation (si cela est justifié)Excuses comme régulateur social (si cela est justifié) |
Satisfaction des besoins et/ou des désirs, Réussite | Joie | Partage, Félicitation |
Parfois l’émotion n’est pas en adéquation avec la situation :
– Elle peut être disproportionnée. L’émotion exprimée, ici et maintenant, correspond à un événement beaucoup plus ancien, lié à l’enfance. Par exemple, je me mets à hurler à l’approche d’un caniche. Il s’agit d’une émotion élastique[1].
– Elle peut être substituée par une autre. Par exemple, je montre de la joie alors que la situation devrait provoquer de la colère ; je ris quand quelqu’un me bouscule. Là aussi, l’explication se situe probablement dans l’enfance. L’émotion adéquate, la colère, n’était sans doute pas « autorisée » dans l’environnement familial de l’enfant. Ici la joie est une émotion parasite[2]. Elle n’est pas réparatrice et ne répond pas au besoin de la situation.
Enfin, je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager ce très beau texte du Dalaï Lama pour qui il n’y a que deux émotions qui s’opposent : la peur et l’amour[3].
» S’il y a de la peur c’est qu’il n’y a pas d’AMOUR.
Quelque chose vous tracasse ? Cherchez la peur.
Chaque fois qu’une émotion négative se présente à nous, il se cache derrière une peur.
En vérité, il n’y a que deux mots dans le langage de l’âme : la peur et l’AMOUR.
La peur est l’énergie qui contracte, referme, attire, court, cache, entasse et blesse.
L’AMOUR est l’énergie qui s’étend, s’ouvre, envoie, reste, révèle, partage et guérit.
La peur enveloppe nos corps dans les vêtements.
L’AMOUR nous permet de rester nu.
La peur s’accroche et se cramponne à tout ce que nous avons.
L’AMOUR donne tout ce que nous avons.
La peur retient.
L’AMOUR chérit.
La peur empoigne.
L’AMOUR lâche prise.
La peur laisse de la rancoeur.
L’AMOUR soulage.
La peur attaque.
L’AMOUR répare.
Chaque pensée, parole ou action est fondée sur l’une ou l’autre émotion.
Tu n’as aucun choix à cet égard, car il n’y a pas d’autre choix.
Mais tu es libre de choisir entre les deux.
Ainsi, au moment où tu promets ton plus grand AMOUR, tu accueilles ta plus grande peur car, aussitôt après avoir dit « je t’aime » , tu t’inquiètes de ce que cet AMOUR ne te soit retourné et, s’il l’est, tu te mets aussitôt à t’inquiéter de perdre l’AMOUR que tu viens de trouver.
Cependant, si tu sais Qui Tu Es, tu n’auras jamais peur.
Car, qui pourrait rejeter une telle magnificence ?
Mais si tu ne sais pas Qui Tu Es, alors tu te crois bien inférieur.
Fais l’expérience glorieuse de Qui Tu Es vraiment et de qui tu peux Être.
Le Dalaï Lama. »
[1] Kupler et Haimowitz – Les élastiques – Classiques de l’Analyse Transactionnelle – Vol 2
[2] English – Substitution des sentiments parasites aux sentiments rééls – Classiques de l’Analyse Transactionnelle – Vol 1
[3] Ce texte est présent sur plusieurs sites web, je n’en connais pas l’origine
Je suis OK / Tu es OK – I
Une épistémologie de « OK » en AT
Chaque être humain est né prince ou princesse ; des expériences ont convaincu certains qu’ils étaient des grenouilles, et le reste de leur développement pathologique résulte de cette croyance.
Éric Berne – Principes de traitement psychothérapeutique en groupe – p 291
Plusieurs définitions circulent à propos du sens de « OK », la plus courante étant « zero killed ». Il semblerait que ce soit durant la guerre de Sécession aux États-Unis que l’expression fût utilisée dans les états-majors, au retour de batailles quand il n’y avait pas de victimes. Le glissement sémantique a profondément modifié le sens de l’expression en augmentant sa polysémie. En français, au moins deux significations viennent s’ajouter au sens originel.
« OK » est utilisé quand un système est, en soi, en bon état de fonctionnement, prêt à assurer la fonction pour laquelle il est destiné. Dans ce sens, et faisant un premier lien avec l’AT, nous attribuons « OK » à une analyse structurale.
« OK » est utilisée en lieu de place de « d’accord ». Or, « d’accord » n’a de sens que s’il se réfère à quelque chose, autre que soi. Je suis d’accord pour faire un acte spécifique, c’est à dire, respecter un engagement pris. Dans cette perspective, « OK » est attribué à un comportement respectueux d’un contrat.
« OK » peut être aussi la validation d’un propos, par exemple, « je suis d’accord avec ce que tu dis » ou « j’accepte ton point de vue ».
Dans une analyse transactionnelle proprement dite, OK sera une réponse à un stimulus. En AT, le terme est donc employé parfois dans une approche structurale (les gens sont OK) ou fonctionnelle (c’est OK de faire, de penser…).
Il faudra attendre le quatrième livre de Berne, Principes de traitement psychothérapeutique en groupe (1966), pour y rencontrer l’expression « OK ». « … sans aucun règlement explicite, les patients chercheront ardemment, dès la première heure, à identifier ce qui est OK et ce qui est non OK… » et plus loin d’ajouter « Pour être le plus efficace possible, il (le thérapeute) doit indiquer d’une manière ou d’un autre que sera considéré comme OK tout ce qui sert le processus thérapeutique et ne sera pas OK tout ce qui l’entrave ». Nous retrouvons ici les deux sens, dans un contexte où la pratique de l’AT est présente. Celui du processus thérapeutique en état de fonctionner et les comportements des patients qui en garantiront, ou pas, le succès.
Les gens sont OK
Les analystes transactionnels connaissent bien cette expression qui représente la valeur fondamentale de l’AT. Selon Berne, chaque être humain est né prince ou princesse, ce que Steiner[1] traduira par : Les gens sont nés OK, page 11du livre « Des scénario et des hommes » et les gens sont OK à la page suivante. Stewart et Joines[2] reprendront la formule « les gens sont OK » pour expliquer la philosophie de l’AT. Chaque auteur décrit ce qu’il entend par l’expression en faisant le lien avec les valeurs humanistes de l’AT que nous retrouvons sous une forme différente, mais identique sur le fond, dans le code éthique de l’EATA[3].
À mon tour, j’aimerais apporter un éclairage supplémentaire et totalement subjectif.
Je perçois « les gens sont OK » comme étant le fruit d’une pensée existentialiste. L’existentialisme est une approche philosophique apparue avec Kierkegaard, philosophe danois du 19ième siècle, cité plusieurs fois dans l’œuvre de Berne. Nous la retrouvons plus explicitement chez Sartre[4] qui la définit comme étant non déterministe, c’est-à-dire sans essence. Prenons comme exemple un objet simple, un stylo. Il a été fabriqué à partir d’un concept avec le projet précis, qui est de tracer des lignes ou des mots sur un support. L’objet stylo a une essence qui globalement se définit par sa fonction, l’écriture. Adopter une philosophie existentialisme en AT signifie que l’être humain n’a pas d’essence mais va se déterminer par son action future.
Nous sommes ici en contradiction avec ce qu’écrivent Stewart et Joines dans le manuel puisqu’ils évoquent explicitement « l’essence des êtres humains » aussi, regardons la cohérence entre une essence humaine et les valeurs de l’AT.
Si l’être humain est fondamentalement bon, par essence, pourquoi manifeste-t-il parfois des comportements violents, pourquoi va-t-il faire la guerre à ses voisins ou tuer son prochain ? Il est difficile de le considérer fondamental bon au regard de ce que nous pouvons observer quotidiennement sur la planète. Mais alors, est-il fondamentalement mauvais ? Pas plus qu’il n’est bon. Puisque « les gens sont OK », croire que l’homme serait mauvais rentre en contradiction avec les valeurs de l’AT. Par ailleurs, nous sommes tous témoins de ce que l’être humain a pu et peut encore apporter de meilleur pour lui et son environnement
Dans cette perspective, l’être humain n’est ni bon ni mauvais, il est. De ce simple statut d’être humain découle la première valeur de l’AT inscrite dans le code éthique de l’EATA et inspirée par les droits de l’homme, la dignité. Tout être humain a de la valeur simplement parce qu’il existe. Son existence implique la reconnaissance de sa dignité. Dans ce sens, « Les gens sont OK » parle de la structure de l’être humain. Il est né, il est prêt à s’engager dans sa destinée, qui n’est autre que la seconde valeur du code éthique de l’EATA, l’autodétermination. J’associe la métaphore du Prince proposée par Berne à la fois à l’innocence du nouveau-né et au potentiel dont il dispose à la naissance. Ce potentiel peut être considéré comme étant la physis, l’énergie de vie chez Berne, le conatus ou la puissance de l’être chez Spinoza. Chaque individu développera ce potentiel au mieux, ce qui ne sera pas forcément bon, ni pour lui ni pour le reste du monde.
« Les gens sont OK » est le point de vue de l’analyste transactionnel, quel que soit son champ. Ce qui ne veut pas dire que le reste des êtres vivants et la nature en général ne l’est pas. Mais nous travaillons avec des êtres humains et il est important de se rappeler que chaque individu peut être accepté pour ce qu’il est et non pour ce qu’il fait.
À suivre : les positions de vie, je suis OK / Tu es OK
[1] Claude Steiner – Des scénarios et de hommes – Ed Desclée de Brouwer
[2] Ian Stewart et Vann Joines – Manuel d’analyse transactionnelle – Ed InterEditions
[3] https://eatanews.org/wp-content/uploads/2019/04/ethics-code-feb-13th-edit.pdf
[4] Jean-Paul Sartre – L’existentialisme est un humanisme – Ed Folio
Une nouvelle expérience de supervision – III
Auteurs : Stan Madoré et Myriam Chéreau.
Co-supervision et intimité dans un groupe
Troisième partie
Une intimité[1] sans attachement.
Pour que la relation soit de l’ordre de l’intimité entre les deux superviseurs, il est nécessaire qu’ils y y soient prêts, en conscience de ce que cela signifie. Il s’agit de se montrer, sans far, à son collègue, devant le groupe. Par le silence ou le questionnement, chacun vise à accepter et comprendre les motivations de l’autre, au profit de la personne supervisée. En agissant ainsi, ils montrent la prévenance qu’ils ont l’un pour l’autre, l’acceptation inconditionnelle de ce qui est dit et qui implique une confiance envers l’autre. Les superviseurs s’écoutent, s’ajustent et associent leurs questions. Cela signifie que parfois ils se refrènent à intervenir et doivent gérer leur frustration, dans l’objectif de laisser de l’espace au supervisé. Le contrat entre eux doit être clairement établi.
C’est parce que ce processus est protecteur pour les superviseurs qu’il l’est aussi pour le groupe. En exposant leurs accords, mais aussi leurs interrogations et leur vulnérabilité, les superviseurs construisent un espace contenant et sécurisant où chacun trouve sa place. Chaque membre du groupe, chaque témoin, met en résonance les propos des superviseurs avec son propre vécu. Les émotions des superviseurs jouent un rôle de permission pour les supervisés. Le partage du vécu émotionnel est un apprentissage de l’intimité pour le groupe. Le sentiment de honte, inhibiteur de l’intimité, se trouve alors mis à distance[2].
Intimité et apprentissage
Nous soutenons l’idée que l’apprentissage dans la supervision passe par l’intimité dans le groupe et inversement que l’intimité est en soi un apprentissage.
L’Adulte intégrant conscient et actif dans l’intimité
Ces processus et attitudes sont rendus possibles par l’expansion de l’Adulte intégrant défini par Tudor : « c’est un Etat du moi qui caractérise une personnalité pulsatile, qui intègre des sentiments, attitudes et comportements appropriés à l’ici et maintenant, à tous les âges de la vie, de la conception à la mort ». Cela nous amène à prendre conscience dans le dialogue ou la co-supervision, de nos différences et ressemblances tout en s’abstenant de tout jugement de valeur sur soi, sur l’autre, sur la relation, sur le supervisé. L’Adulte intégrant est sans cesse en évolution et intègre les expériences du présent en continu. Nous pourrions résumer cela par : je suis, tu es, il ou elle est OK (la personne supervisée).
Le dialogue et sa fonction didactique
Habituellement, le superviseur ne partage pas ce qu’il a fait, ni comment il a traité, par exemple, la confusion émotionnelle du supervisé. Cette part de la supervision, comme une terra incognita inexplorée, reste un espace privé de sa propre pensée. Or nous faisons l’hypothèse que mettre au jour ce travail d’élaboration de la pensée du superviseur est très formateur pour le groupe. Loin d’être celui qui sait et gagne du pouvoir sur l’autre dans une position sociale OK+/OK-, le superviseur ose expliquer ce qu’il a fait, pourquoi et comment il pense[3]. Il est dans une posture d’Affirmation de soi (Acey Choy AAT n°61).
Ce processus d’explicitation est un puissant levier d’apprentissage. En dialoguant sur nos interventions, devant le groupe, nous créons les conditions d’une relation Adulte-Adulte entre superviseurs et avec le groupe. Nous démystifions une vision du superviseur tout puissant et sachant en partageant les difficultés rencontrées dans l’accompagnement. La relation Adulte-Adulte avec le groupe s’en trouve simplifiée. Nous instaurons ainsi le principe du « nous », premier pilier de l’AT co-créative.[4]
Quelle que soit la forme de la supervision, conduite par un ou deux superviseurs, les trois personnes ont un rôle actif. La personne supervisée sait qu’il y aura le temps du dialogue qui lui apportera un éclairage sur le processus en place. Si un superviseur observe, il sait qu’il parlera de ce qu’il pense, ressent et comprend de la stratégie de son collègue. De fait, le dialogue est un outil didactique. Au-delà de la relation interpersonnelle, il contribue à clarifier ce qui se passe à un niveau intrapsychique dans une supervision. Les superviseurs apprennent de leur pratique dans une position meta. Le groupe et le supervisé mettent des mots sur le processus qu’ils ont pu vivre ou observer et découvre l’inévitable contingence, et parfois les impasses, dans les métiers de l’accompagnement. Au-delà de l’apprentissage de l’AT et de sa pratique, c’est un modèle d’intervention que nous proposons au groupe.
Illustrations du dialogue
Dialogue après une supervision conduite par un seul superviseur
Dans ce dialogue, le superviseur qui a conduit la supervision répond aux questions. Le superviseur-observateur dit ce qu’il a vu, entendu et compris de ses observations.
Que s’est-il passé pour toi ?
« – J’ai vécu cette supervision comme plutôt technique, centrée sur le processus parallèle que nous vivions au début, dans les premières minutes. Je ressentais le processus parallèle et cela m’agaçait car je me demandais quand y mettre fin. Cette question se posait à moi pour pouvoir passer le contrat de la supervision. Et J’ai pris la décision de laisser du temps au supervisé pour qu’il puisse élaborer sa demande. Cette position OK/OK m’a permis d’être bien centré sur mon ressenti tout en étant en contact avec lui, dans l’instant présent. Cet agacement a cessé quand j’ai pointé le processus parallèle. Qu’en penses-tu ?
– J’ai compris que ta supervision avait une visée didactique par le fait que tu as explicité le processus parallèle et partagé avec l’autre ton ressenti. C’était puissant et utile d’un point de vue pédagogique. J’ai vu que le supervisé manifestait une grande écoute quand tu lui parlais ainsi, et je l’ai vu plus calme qu’au début de la supervision.
Quelle a été ta stratégie ?
– Je souhaitais que Valentin[5] prenne conscience de ce qui se passait entre nous pour qu’il comprenne ce qui se passe avec son client. C’était ma stratégie.
– En effet, tu l’as aidé à penser par cette prise de conscience avec un Adulte décontaminé.
– Oui, et j’ai utilisé aussi l’opération bernienne de confrontation dans l’Adulte. Là aussi, c’est dans l’objectif que Valentin puisse différencier une confrontation dans l’Adulte et dans le Parent.
– C’est pour ça que j’ai trouvé cette supervision didactique, parce que tu nommais ce que tu faisais et tu donnais des explications sur ce qui était en lien immédiat avec tel ou tel processus. Tu t’es concentré surtout là-dessus.
En quoi ta supervision, tes choix ont-ils contribué à aider Valentin ?
– J’ai fait le choix de travailler sur le processus parallèle pour aider le supervisé à conscientiser ce qui se passait entre nous et avec son client. J’ai fait ce choix pour respecter le contrat même si d’autres options étaient possibles. Là aussi, l’objectif est de lui montrer que dans un accompagnement, il y a des choix à faire, donc des renoncements à gérer.
Dialogue avec une supervision conduite par deux superviseurs
Quand la supervision a été conduite par les deux superviseurs, chacun d’eux, dans le dialogue, s’exprime sur les trois questions.
Que s’est-il passé pour chacun de nous ?
Superviseur A :« – J’ai vu que nous prenions le même chemin avec des moyens différents, toi en utilisant les Etats du Moi et pour ma part, en l’aidant à différencier le processus du contenu. Et j’ai trouvé que c’était stimulant. Nous sommes restés attentifs à ne pas perdre Clémentine.
Superviseur B – Oui, je l’ai vu aussi. J’ai choisi de travailler avec ce qui se passe pour elle en interne, en de ce que dit Pamela Levin sur le pouvoir de penser.
Superviseur A- C’était une bonne idée, « le pouvoir de penser » était éclairant. Le contrat que nous avions pouvait se traiter autant avec une approche psychodynamique qu’interpersonnelle ».
Quelle a été la stratégie ?
Superviseur B – mon intention a été guidée pas sa première phrase « il faut faire des choix, je vais en faire un, je vais faire un pas de plus vers l’expression de ma pensée ». Je me suis fait confiance et je t’ai fait confiance quand j’ai vu que nos chemins étaient différents.
Superviseur A – Faire confiance à Clémentine est la stratégie que nous avons suivie avec des moyens différents : moi j’ai abordé les émotions et toi les croyances et les pensées. Certes c’est différent, et complémentaire à la fois. « Pour faire un pas de plus vers sa pensée », il était nécessaire à mon avis de l’aider à sortir de la confusion émotionnelle.
Superviseur B – Le travail que nous avons ensuite fait avec lui sur l’impasse d’autorité, a constitué une autre prise de conscience. « Pour aller vers sa pensée », elle a besoin de résoudre l’impasse entre le Parent et l’Enfant et d’activer l’Adulte qui doit être activé dans ses coaching.
Superviseur A- Il est possible qu’il y ait d’autres impasses. Ce n’est plus du domaine de la supervision mais plutôt de la thérapie. Il me semble aussi important de dire que cette forme particulière d’accompagnement qu’est la co-supervision, crée de l’intimité dans le groupe de supervision.
Est-ce que la supervision a contribué à aider la supervisée ?
Superviseur A- Je le pense. Ce processus de différenciation que Clémentine a pu vivre avec les deux superviseurs, loin de la perdre, lui donne des permissions pour coacher à sa manière, avec son style, tout en respectant le contrat.
Superviseur B – Oui, je le crois, au moins en partie. Elle a d’ailleurs verbalisé au moment où elle a voulu poursuivre le travail sur ses émotions. Nous l’avons accompagné dans le cadre de notre rôle de superviseur. Voilà.
Conclusion
Nous avons présenté un nouveau modèle de supervision en groupe. Son originalité repose sur les processus qui favorisent la mise en œuvre de l’intimité.
Voici, au terme de cet article, des témoignages de membres du groupe sur les vertus du dialogue des superviseurs devant le groupe. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Clémentine « En tant que supervisé, je trouve que le dialogue entre les deux superviseurs prolonge et nourrit à un autre niveau ma propre supervision ; cela m’aide à intégrer des concepts pour ma pratique de coach ; votre transparence à dire ce que vous faites dans cette intimité me rassure »
Sylvain « ce qui est la chose la plus importante pour moi c’est la bienveillance entre vous : cela m’inspire de vous voir et de vous entendre parler de ce qui s’est passé pour vous dans la supervision sans se mettre en danger »
Laurent « Selon moi, ce dialogue dans lequel vous dévoilez votre stratégie favorise mon autonomie. Il m’invite à me questionner sur ma propre stratégie dans mes accompagnements.
Lucie « En montrant votre Vulnérabilité au sens de Choy dans le triangle gagnant, c’est décontaminant car cela fait tomber des préjugés du Parent et des illusions de l’Enfant. C’est donc une posture vraiment Adulte que je peux modéliser. Je fais sans doute moins de projections et de grandiosités grâce à ce processus qui pour moi est une démarche d’apprentissage. »
Élise « Avant d’intégrer le groupe de supervision, je me disais en tant que coach, il faut que je sache ; et puis je vous entends dire : « là, je ne sais pas ». Et bien je me reconnais et ce processus donc me donne la permission de ne pas savoir, de prendre conscience que je ne sais pas et de faire avec ! Du coup en vous faisant confiance même si vous ne savez pas, je me fais confiance aussi. Et je peux davantage partager ce que je vis dans ma supervision avec vous. Je me reconnais votre égal ».
Valentin « Oui et ce qu’on partage, c’est l’analyse transactionnelle aussi bien dans les contenus que dans ce processus innovant de coanimation et d’intimité.
[1] Trudi Newton et Hilary Cochrane – supervision for coaches, a guide to thoughtful work, 2011
[2] Valérie Perret – La honte, fléau de la supervision – AAT 158
[3] Acey Choy – Le triangle du gagnant – AAT 61
[4] Tudor et Summers- une analyse transactionnelle co -créative-AAT n°100
[5] Tous les prénoms ont été modifiés
La place du pouvoir en Entreprise Libérée
La Théorie Organisationnelle de Berne pour comprendre l’organisation
En tant qu’analyste transactionnel, j’utilise de préférence la Théorie Organisationnelle de Berne (TOB) pour comprendre le fonctionnement de l’entreprise. En voici un rapide descriptif qui nous permet une lecture de l’Entreprise Libérée.
La schématisation la plus simple d’un groupe se représente en 2 zones circulaires.
La zone du leadership est celle du pouvoir institutionnel. Délimitée par une frontière interne, qui la sépare de la zone des membres, c’est l’espace réservé au leader, là où les décisions stratégiques se prennent. Berne distingue 3 types de leader.
Le leader responsable : celui qui apparaît sur l’organigramme, en responsabilité des actions de l’entreprise.
Le leader effectif : celui qui prend réellement les décisions. Cela peut être le DAF pour certains budgets, le DRH pour une politique salariale…
Le leader psychologique : celui vers qui les collaborateurs se tournent pour évoquer leurs difficultés.
Dans le cas de l’Entreprise Libérée, le leader assure ces 3 fonctions. Il est porteur d’un projet, il a une vison, il est celui qui guide l’entreprise vers sa mission.
Dans une petite structure, le leader peut détenir tous les pouvoirs, de décisions, de contrôles, avec les risques de toute-puissance que cela comporte. Au-delà d’une quinzaine de personnes une délégation de pouvoir est quasiment incontournable et le leader se voit dans l’obligation de s’entourer d’une structure qui l’aidera à maintenir les décisions prises. La TOB nomme cette organisation « appareil ». Nous pouvons la comparer aux fonctions régaliennes d’une nation. La police et la justice sont prévues pour faire respecter l’ordre à l’intérieur de ses frontières afin d’éviter toute tentative de déstabilisation du pouvoir. Armée et diplomatie pour protéger ses frontières externes. La fonction d’appareil interne en entreprise est assurée prioritairement par la ligne managériale et la DRH.
En entreprise le pouvoir exécutif, leader et appareil, rencontre un contre-pouvoir en la présence des syndicats.
Un des principes de l’Entreprise Libérée est la suppression d’un contrôle centralisé chez les managers au profit d’un auto-contrôle, réparti entre les salariés. Vu sous l’angle de la TOB cela signifie que l’appareil est totalement dilué entre les membres. Chacun est responsable de la bonne marche de l’entreprise pour satisfaire son client.
Se pose alors la question de la place du contre-pouvoir exercé par les syndicats. Sans changement d’idéologie, vers une représentativité du personnel plus constructive, les syndicats auront du mal à survivre en Entreprise Libérée. Lutter contre un pouvoir détenu par les salariés devient absurde.
C’est dans un nouveau paradigme qu’ils trouveront un nouveau positionnement. Peut-être en repensant la complexité de l’entreprise considérant que le salarié est une partie prenante de l’organisation. Leur action pourrait s’orienter vers la défense du système, en veillant au respect et en proposant des améliorations, en contribuant à améliorer la qualité de vie au travail des salariés.
Simplicité ou complexité de l’Entreprise Libérée ?
Une seule règle. Délivrer le meilleur produit possible (ou service) au client. Le leader porte le projet, le communique à outrance et libère les salariés du jouc des contrôles inutiles et lourdeurs administratives.
Cela ne peut suffire à maintenir des relations saines entre collaborateurs. Selon Berne, les tensions et conflits relationnels entre collaborateurs sont source de potentielle destruction de l’entreprise. Ce qui vient contenir les membres d’une Entreprise libérée est une culture forte qui repose sur l’autonomie et la solidarité de ses membres.
L’autonomie favorise l’engagement.
Chacun est concerné par le résultant des autres, de l’entreprise.
La solidarité entraine un mouvement collectif.
Ce que je fais profite à autrui et réciproquement.
Apparemment simple, l’Entreprise Libérée est en fait extrêmement complexe car elle touche à la culture des entreprise et des personnes. Ce qui fait qu’il y en a si peu.
5C – 1D, comment obtenir des signes de reconnaissance – part 2
Plus nous avançons dans les étapes de la structuration du temps et plus les signes de reconnaissance sont intenses, positivement ou négativement.
Je me suis intéressé aux conditions nécessaires à l’obtention de signes de reconnaissance positifs, puis négatifs s’agissant des jeux psychologiques.
Retrait : s’il l’on considère que le SR ne peut qu’être reçu de l’extérieur alors, sa valeur est à 0 comme le propose Hostie. Personnellement, je pense que chacun est en capacité de se donner des SR et que le retrait peut aussi être un moment pour s’attribuer des SR positifs.
Quand il est choisi, le retrait a pour effet de produire du confort parce qu’il sert à une préparation ou un ressourcement. Je considère cette forme de retrait comme la voie pour se donner des SR, parfois à haute intensité.
Rituel : Imaginons que vous rentriez dans l’ascenseur, vous dîtes bonjour à votre voisin qui ne vous répond pas. Mauvaise impression. Pour obtenir un SR positif à l’étape du rituel, nous devons nous conformer aux normes sociales.
Passe-temps : Il sert à vérifier la compatibilité entres personnes. Présente, le passe-temps sera un moment de plaisir et les échanges se feront sur des intérêts communs. Les SR sont nombreux, peu intenses mais positifs. Absente, le passe-temps tourne court.
Activité : pour être efficace, que chacun puisse développer son autonomie, l’activité doit faire l’objet d’un contrat. Il y aura alors matière à de nombreux signes de reconnaissance. Si le contrat est flou, voire inexistant, les personnes seront en insécurité et les SR négatifs. Cette situation conduit aux jeux psychologiques.
Jeux psychologiques : En insécurité, le stress monte, je suis dans mon système de défense. Mon comportement est celui de la défiance. Contrairement à la méfiance, où je suis sûr d’être trompé, la défiance associe la prudence, je crains d’être trompé. Les SR sont négatifs mais la possibilité de les rendre positifs est bien réelle. La condition est une protection.
Intimité : À l’opposé des jeux se trouve l’intimité. C’est à cette étape que les SR sont les plus intenses. J’accepte de me montrer, tel que je suis, avec mes pensées et mes émotions, sans craindre l’exploitation. J’accepte l’autre, tel qu’il est, avec ses pensées et ses émotions, les échanges sont authentiques. La condition : la confiance
Cinq C pour favoriser l’obtention de SR positifs : Confort, Conformité, Compatibilité,Contrat, Confiance.
Un D qui amène les SR négatifs, Défiance, avec une potentielle issue positive.
Les écoles récentes en AT
Le monde évolue et l’AT aussi. Le premier cercle des proches d’Eric Berne ayant montré la voie, d’autres analystes transactionnels leur ont emboité le pas en intégrant leur pratique à la théorie. L’AT continue donc à se développer. José Grégoire, dans son livre Les orientations récentes de l’analyse transactionnelle, a recensé plusieurs écoles, à noter que tous ces théoriciens sont du champ Psychothérapie . Citons ici ces nouvelles écoles.
- L’analyse transactionnelle psychanalytique, de Carlo Moïso et Michele Novellino ;
- La psychothérapie intégrative, de Richard Erskine et Rebecca Trautmann ;
- L’analyse transactionnelle relationelle, de Charlotte Sills et Helena Hargaden ;
- L’approche corporelle relationnelle, de Bill Cornell ;
- L’analyse transactionnelle co-créative, de Graeme Summers et Keith Tudor ;
- L’approche narrativiste, de Jim et Barbara Allen.
Quel lien entre l'AT et d'autres approches psychothérapeutiques ?
On connaît l’attachement de Berne à la psychanalyse et à son fondateur Sigmund Freud. Jusqu’à la fin de sa vie Berne est resté un grand admirateur de Freud même si sa pratique l’a amené à développer l’AT, mettant ainsi de la distance avec la psychanalyse. Le divan est resté présent dans sa salle de consultation.
Les années 60 ont vu aussi se développer l’école de Palo Alto, à quelques kilomètres de Carmel. Eric Berne était l’ami de Grégory Bateson, le fondateur de l’école. Il était également l’ami de Fritz Perls, qui s’est aussi éloigné de la psychanalyse pour créer la Gestalt thérapie. Notons enfin plusieurs référence dans l’œuvre de Berne à Alfred Korzybski, inventeur de la sémantique générale, dont le but était de montrer l’influence du langage dans les comportements. Quelques années plus tard la PNL exploitera l’idée que la carte n’est pas le territoire.