Après Eric Berne, l’AT continue

Au sein de cette « A.T. classique », les différentes approches sont considérées comme complémentaires et susceptibles d’être combinées en dépit de leur divergences.

José Grégoire – Les orientations récentes de l’analyse transactionnelle

Une école de pensée désigne un ensemble de personnes qui partage des opinions semblables ou un point de vue similaire en philosophie. 

Eric Berne a fait de l’AT une discipline ouverte, dans la mesure où le processus reste éthique et contribue à guérir le patient. Nombre de transactionnalistes ont alors apporté leur singularité en contribuant à son développement.

Aujourd’hui encore, l’AT évolue. Chaque trimestre paraît la revue Actualités en analyse transactionnelle (AAT) en français, et le Transactional Analysis Journal (TAJ), en anglais, qui questionne les pratiques. Chaque analyste transactionnel peut y contribuer en écrivant des articles de fond qui contribueront au développement de l’AT. Les cinq écoles présentées ci-dessous sont extraites d’un article de J. Wilson & I. Karina, publié dans le Classique des ATT n°1.

À propos des frontières

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À propos des frontières…

 

De quoi parlons-nous lorsque nous évoquons la notion de frontières ?

Nous avons tous une idée de ce que signifie ce mot mais quelles sont nos représentations lorsque nous l’utilisons ? Sa polysémie en fait une notion complexe qui mérite d’être clarifiée, notamment dans un contexte professionnel.

Les frontières ne sont pas réelles, ce sont des constructions sociales, mentales ou politiques. En voici une définition : Concept pour définir une notion d’appartenance et/ou séparer les rôles et les territoires.

Dans son livre « Structure et dynamique des organisations et des groupes », Berne en identifie trois. Externe, interne majeure, interne mineure.

Elles servent à comprendre la façon dont se structure opérationnellement une organisation.

Sur ce schéma, en gras, les frontières sont majeures. Externe, elle sépare l’organisation de l’environnement. Interne, elle sépare la zone du leader de celle des membres.

En maigre, elles sont mineures et séparent les membres. Elles permettent ainsi de créer des départements, services ou pôles, selon la taille et la préférence sémantique de l’organisation. Cet exemple présente une organisation simple avec un leader et la zone des membres divisée en trois pôles.

S’ajoute aujourd’hui une autre frontière que nous intégrons dans  la structure organisationnelle d’une entreprise. Il s’agit d’une frontière digitale, caractérisée par un firewall, un mot de passe et autres technologies qui interdisent l’accès aux serveurs des organisations. Elle protège les données et fait l’objet de nombreuses attaques. Cette frontière est, ou devrait être, la mieux protégée, car sans données, nombre d’organisations se retrouvent paralysées.

Le fait de pouvoir accéder aux serveurs comme aux locaux de l’entreprise, de façon légale, est un signe d’appartenance. Tous les membres, leader compris, accèdent librement à l’organisation, dans le respect du règlement intérieur. L’inverse n’est pas vrai. Ce n’est pas parce que je traverse librement une frontière que je fais partie de l’organisation. Le fait de me rendre en Espagne sans contrôle ne fait pas de moi un Espagnol, le fait d’intervenir en tant que consultant dans une entreprise ne fait pas de moi un salarié. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle les entreprises sollicitent des compétences externes.

Plus que la frontière, ce qui définit l’appartenance à une organisation est le contrat de travail, ce qui peut expliquer le positionnement confus de certains intérimaires. Le contrat crée ce sentiment d’appartenance et clarifie le rôle du salarié et sa zone d’intervention.

Les frontières de la structure organisationnelle se matérialisent, par des portes, des murs, des barbelés ou des mots de passe. D’autres frontières, qui ne sont ni définies par les directions ni matérialisées, sont présentes dans la structure privée. Schématiquement, la notion de structure privée représente les relations entre les personnes d’une même organisation. Elle n’est donc pas visible de l’extérieur et s’élabore sur les représentations de chacun sur ses collègues. Cela induit des comportements particuliers et nous soutenons l’idée que cela crée des frontières psychologiques.

Si nous prenons comme exemple la cantine d’un collège. Imaginons que les professeurs mangent sur une table à part. Les élèvent peuvent penser qu’ils n’ont pas le droit d’aller à cette table ou qu’ils se feraient exclure de leur groupe de copains.  Se crée alors une frontière psychologique qui les empêche de manger à la table des professeurs. Inversement, rares sont les professeurs qui s’autorisent à manger ailleurs que sur leur table. Ces frontières psychologiques construisent les cultures d’entreprise et segmentent les membres. À l’instar de la transaction, les frontières psychologiques priment sur les frontières matérialisées, présentes dans la structure organisationnelle.

Un des rôles du manager, pour favoriser la coopération, sera de gommer autant que possible les frontières psychologiques.

Avec une compréhension fine de la notion de frontières, le consultant pourra diagnostiquer et intervenir sur le fonctionnement des organisations. Nous présentons ci-dessous un tableau récapitulatif de ces propos.

 
Nature fonction
   
Matérielle Séparer les territoires
Naturelle Séparer les territoires
Virtuelle Interdire un accès
Juridique Clarifier les rôles et les territoires
Temporelle Séparer les rôles
Psychologique S’imposer des interdits

Pour aller plus loin :

Intervenir dans les organisations avec l’analyse transactionnelle
La Théorie Organisationnelle de Berne à l’ère du digitale

édition Dunod

 

Formation à la Théorie Organisationnelle de Berne les 29/30 sep et 20/21 oct 2022

Symbiose et fanatisme

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Depuis 2017, les théories conspirationnistes fleurissent aux USA et se répandent sur la planète aussi vite que le covid-19. À l’origine, des messages sur le réseau social « 4chan », peu connu du grand public. Ce réseau n’est pas modéré et tout peut être publié. Un certain Q a commencé à écrire des messages complotistes. Il existerait un état profond au sein du Congrès américain qui manipulerait la nation entière. Il serait, entre autres, à la tête d’un réseau de pédophiles, dont Hillary Clinton ferait partie. Plus le propos est délirant, plus il est séduisant. Cela peut paraitre incroyable mais des centaines de milliers de personnes adhèrent à ces histoires. Elles se sont regroupées sous la bannière QAnon, pour Q anonyme ; Q étant le profil sous lequel les messages sont publiés, anonymement. Comme dans tous les contes, il faut un sauveur, un génie, un prince charmant ou une bonne fée. Les adeptes de QAnon ont placé leur foi en la personne de Donald Trump. Lui seul pourra sauver le monde. Le président sortant a bien volontiers accepté le rôle que QAnon lui offrait et c’est ainsi qu’est né un mouvement sectaire. En plus d’être président Trump est devenu gourou avec tout le fanatisme que cela génère. Nous avons pu le constater lors de l’élection de Joe Biden avec le soutien indéfectible par une frange de ses supporters, considérant que l’élection a été manipulée et volée. Fort heureusement, il n’y a pas eu les débordements redoutés. Ce phénomène est comparable aux mouvements extrémistes islamistes. Les partisans de l’idéologie perdent tout discernement pour se suradapter à la parole du Leader Divin. Leurs comportements peuvent alors devenir violents.

En AT, la suradaptation et la violence font partie des comportements passifs qui servent à maintenir la symbiose.

Le concept de symbiose est la base théorique de l’École des Schiff. Jacquie Schiff, au départ, proche d’Éric Berne dans les années 1960, s’est expatriée sur la côte Est des États-Unis pendant quelques années. C’est pendant cette période qu’elle a développé sa théorie qui s’en trouve être en marge du reste de l’AT mais reste très intéressante sous certains aspects. Notamment, pour comprendre le fanatisme.

La symbiose

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Selon les Schiff[1] et leurs collaborateurs, il y a symbiose lorsque deux personnes n’ont pas accès à leurs trois états du moi. Elles se comportent alors comme si, ensemble, elles ne formaient qu’une seule personnalité complète. La caractéristique de cette relation est, qu’aucune d’elles ne met en œuvre la gamme complète de ses états du moi.

C’est par la symbiose que les personnes réitèrent leurs jeux, perpétuent leurs sentiments parasites et font avancer leur scénario.

 

Cette relation est considérée comme normale entre une mère et son bébé et va s’arrêter dès lors que le bébé va prendre conscience de sa propre existence. Quand elle perdure à l’âge adulte, la relation devient malsaine car elle se construit et s’autoalimente avec des jeux psychologiques.

 

la chaine symbiotique

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Dans son article, Quintin Holdeman[1] utilise le concept de chaine symbiotique comme étant un système de fonctionnement dans certaines organisations. De la Boétie[2] aurait nommé cette chaine « système de la servitude volontaire ; un tyran seul n’a de puissance que celle que le peuple lui donne ».

Ce système s’autoalimente par une obéissance inconditionnelle aux directives venues « d’en haut » et en retour, d’abondants signes de reconnaissance à l’égard du chef. Ce qui est une norme socialement acceptable dans une organisation hiérarchisée peut devenir un mouvement sectaire, avec le culte du chef.

Ici le pilier est représenté ici par A. Il dirige et décide de manière autocratique, ce qui installe une dépendance avec l’ensemble des membres de son organisation. Le jour où A quitte l’organisation, le système s’écroule tel un château de cartes. Les membres n’ayant pas eu l’occasion de se prendre en charge et de décider de ce qu’il convient à leur destin. Ils pensent que personne d’autre que A n’est capable de prendre en main la destinée de leur organisation. Parfois le leader A est rappelé tels de Gaulle en 1958, Steve Jobs en 1997, Zidane en 2005 et bien d’autres encore.

La chaine symbiotique triangulaire

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Un système sectaire est plus sophistiqué. Je propose une approche qui repose sur une symbiose triangulaire et tentaculaire : un Leader Divin, un Prédicateur et des Fidèles.

L’initiateur de cette symbiose est le Prédicateur. Il place sa foi dans un leader qu’il divinise. Sa force de conviction lui permet de rassembler autour de lui des adeptes qui vont ensuite essaimer et devenir à leur tour, Prédicateurs. Ainsi, ces mouvements deviennent tentaculaires, à l’image de QAnon. Les religions sont également des exemples de réussite de ce mécanisme.

Le phénomène de divinisation s’observe généralement à la mort du leader. Selon Berne il s’agit d’évhémèrisation, en référence à Evhémère, mythographe de la Grèce Antique qui pensait que les dieux n’étaient autres que des hommes et des femmes divinisés. Les organisations ont souvent un évhémère. Berne étant celui de celui des analystes transactionnels, Freud celui des psychanalystes, Édouard Leclerc celui des supermarchés éponymes…

Le profile Q sur le réseau 4chan, avec ses fake news, annonce de graves délits et prévoit le pire pour les États-Unis puis la terre entière. Il prend le rôle de Prédicateur et en désignant Trump comme sauveur de l’humanité, il lui offre la place de pilier et Leader Divin dans la chaine symbiotique triangulaire. À la différence d’une entreprise, chaque membre d’un tel rassemblement voue une passion au Leader Divin jusqu’au passage à l’acte, dans les cas les plus extrêmes.

Le Fidèle devient alors totalement fanatique et est prêt à se sacrifier pour venger le Leader Divin, l’estimant bafoué. Nous pensons que ce comportement est la manifestation d’une symbiose de second ordre.

La symbiose de second ordre

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Ce niveau de symbiose est plus profond et inaccessible à tout individu sans une aide psychothérapeutique. Il se déroule dans le schéma structural de second ordre. La mère ayant mis à distance ses besoins en excluant son état du moi Enfant, dans la symbiose de premier ordre, le bébé peut ressentir et décider inconsciemment de s’occuper des besoins de maman. Normalement, ce comportement n’a plus d’influence pathologique à l’âge adulte, sauf dans certains cas[3]. Si la croissance du bébé se déroule dans un environnement hostile, tant sur le plan émotionnel que physique, la symbiose de second ordre peut constituer un comportement dominant générant des troubles psychologiques sévères.

Sous l’influence d’un Prédicateur, un Fidèle peut alors basculer dans le terrorisme et assouvir sa soif de vengeance.

[1] A & J Schiff – La passivité – CAAT 2

[2] Holdeman – La chaine symbiotique – AAT 59

[3] De la Boétie – Discours de la servitude volontaire.

[4] Salomon Nasielski – Symbiose de second ordre : retour au concept originel – AAT 142

Leadership et arts graphiques

La Théorie Organisationnelle de Berne nous propose une approche simple de la constitution d’un groupe par ladiagramme structural représentation de 2 cercles.

 

Dans un groupe en formation, le formateur est dans la zone du leadership, les participants dans celle des membres. Dans une équipe, le manager est dans le leadership et les collaborateurs sont les membres. Le coach est le leader et le coaché est le membre…

Dans l’atelier « Leadership et arts graphiques » chacun travaille sur le processus relationnel qui lui permet d’emmener ses clients, son équipe vers la destination qu’ils auront préalablement choisie.

Un temps pédagogique propose aux participants d’expérimenter une situation relationnelle nouvelle qui consiste à dessiner un modèle vivant sur du papier. Bien évidemment la qualité du dessin n’a aucun intérêt. Un autre temps les amènera à se projeter dans la résolution d’un problème relationnel, en le pensant autrement et en le représentant graphiquement.

Cette expérience va permettre aux participants de vivre des émotions fortes et de pointer leurs réactions face à un nouvel événement, ceci afin  d’en faire l’analogie dans leur environnement professionnel.

C’est en acceptant de jouer un nouveau rôle que le leader élabore son diagnostic comportemental qui lui permettra de développer sa capacité à consolider les liens avec son entourage professionnel.

Le programme  à cette adresse : leadership-arts graphiques

 

Les émotions, l’AT et le Dalaï Lama

coeurLe nombre d’émotions dites de base varie en fonction des écoles et des théoriciens.

Les quatre unanimement reconnues sont : la  joie, la peur, la colère, la tristesse. A cela s’ajoute le dégout et la surprise pour Paul Ekman qui a travaillé sur leur distinction à travers les expressions du visage, identiques quelles que soient les cultures. Il allongera sa liste au fil de ses recherches.

L’AT ne retient que les 4 émotions primaires qui ne sont ni négatives, ni positives. Elles sont simplement des réponses utiles à des stimuli externes.

Origine Emotion primaire Réponse efficace
Danger (réel ou supposé) Peur Protection- Contrat factuel- Information chiffrée
Perte, séparation Tristesse Réconfort, Proposition d’aide
Dommage, Frustration Colère Ecoute, Réparation (si cela est justifié)Excuses comme régulateur social (si cela est justifié)
Satisfaction des besoins et/ou des désirs, Réussite Joie Partage, Félicitation

Parfois l’émotion n’est pas en adéquation avec la situation :

–    Elle peut être disproportionnée. L’émotion exprimée, ici et maintenant, correspond à un événement beaucoup plus ancien, lié à l’enfance. Par exemple, je me mets à hurler à l’approche d’un caniche. Il s’agit d’une émotion élastique[1].

–      Elle peut être substituée par une autre. Par exemple, je montre de la joie alors que la situation devrait provoquer de la colère ; je ris quand quelqu’un me bouscule. Là aussi, l’explication se situe probablement dans l’enfance. L’émotion adéquate, la colère, n’était sans doute pas « autorisée » dans l’environnement familial de l’enfant. Ici la joie est une émotion parasite[2]. Elle n’est pas réparatrice et ne répond pas au besoin de la situation.

Enfin, je ne résiste pas à l’envie de vous faire partager ce très beau texte du Dalaï Lama pour qui il n’y a que deux émotions qui s’opposent : la peur et l’amour[3].

 » S’il y a de la peur c’est qu’il n’y a pas d’AMOUR.

Quelque chose vous tracasse ? Cherchez la peur.

Chaque fois qu’une émotion négative se présente à nous,
il se cache derrière une peur.

En vérité, il n’y a que deux mots dans le langage de l’âme : la peur et l’AMOUR.

La peur est l’énergie qui contracte, referme, attire, court, cache, entasse et blesse.

L’AMOUR est l’énergie qui s’étend, s’ouvre, envoie, reste, révèle, partage et guérit.

La peur enveloppe nos corps dans les vêtements.

L’AMOUR nous permet de rester nu.

La peur s’accroche et se cramponne à tout ce que nous avons.

L’AMOUR donne tout ce que nous avons.

La peur retient.

L’AMOUR chérit.

La peur empoigne.

L’AMOUR lâche prise.

La peur laisse de la rancoeur.

L’AMOUR soulage.

La peur attaque.

L’AMOUR répare.

Chaque pensée, parole ou action est fondée sur l’une ou l’autre émotion.

Tu n’as aucun choix à cet égard, car il n’y a pas d’autre choix.

Mais tu es libre de choisir entre les deux.

Ainsi, au moment où tu promets ton plus grand AMOUR, tu accueilles ta plus
grande peur car, aussitôt après avoir dit « je t’aime » , tu t’inquiètes de ce que
cet AMOUR ne te soit retourné et, s’il l’est, tu te mets aussitôt à t’inquiéter de
perdre l’AMOUR que tu viens de trouver.

Cependant, si tu sais Qui Tu Es, tu n’auras jamais peur.

Car, qui pourrait rejeter une telle magnificence ?

Mais si tu ne sais pas Qui Tu Es, alors tu te crois bien inférieur.

Fais l’expérience glorieuse de Qui Tu Es vraiment et de qui tu peux Être.

Le Dalaï Lama. »

[1] Kupler et Haimowitz – Les élastiques – Classiques de l’Analyse Transactionnelle – Vol 2

[2] English – Substitution des sentiments parasites aux sentiments rééls – Classiques de l’Analyse Transactionnelle – Vol 1

[3] Ce texte est présent sur plusieurs sites web, je n’en connais pas l’origine

La loyauté, une interdiction à l’autonomie ?

La loyauté est un comportement complexe, qui, à l’extrême, peut être considéré comme une vertu. Or, avec un regard d’analyste transactionnel, nous pouvons remettre en question un certain nombre d’idées reçues.

Faire preuve de loyauté, ou être loyale, vient du latin legalis qui signifie « se conformer à la loi ». Le sens moderne attribut la notion d’honnêteté à la loyauté. Alors est-ce être malhonnête que de cesser d’être loyal ? Ne plus être loyal signifie-t-il être déloyal, voire trahir ?

Un contrat se passe dans l’Adulte

« J’ai fait la promesse à mon père (ou ma mère), sur son lit de mort, que je m’occuperai de ma sœur ».

Voici des mots qui peuvent être lourds de conséquences.

Il y a en AT un concept fondateur qui se nomme le contrat. Passé dans l’Adulte, le contrat permet d’agir en protégeant les personnes. Pas d’action sans contrat.

Claude Steiner a présenté 4 conditions pour qu’un contrat soit éthiquement valable.

  • Le consentement mutuel. Les parties prenantes doivent être consentantes. Ici la promesse faite au presque défunt implique une tierce personne, absente. Est-elle consentante pour être prise en charge ?
  • L’obligation réciproque. Que fera ma sœur en contrepartie du temps que je vais lui consacrer ? Que fera mon père, depuis l’au-delà, pour me remercier si je tiens ma promesse ?
  • La compétence. Suis-je compétent « ici et maintenant » pour m’engager dans une telle promesse, aveuglé par la tristesse ?
  • L’objet légal. Est-ce que je peux légalement décider de ce que doit être la vie de quelqu’un d’autre ?

Si ces 4 conditions ne sont pas réunies, la relation entre les personnes sera de l’ordre du jeu psychologique. Mieux vaut alors ne pas tenir sa promesse pour préserver sa santé.

Envers qui suis-je loyal ?

« Telle personnalité politique quitte son parti après plus de 20 ans d’engagement pour rejoindre tel autre parti »

Les noms des personnalités politiques ne manquent pas. Que ce soit un départ du parti socialiste, LR ou tout autre. Prenons l’exemple de Manuel Valls qui a quitté le gouvernement de François Hollande puis le parti socialiste. TRAITE ! Ce sont exclamés les fidèles.  Quitter, est-ce trahir ? La visée d’un thérapeute, analyste transactionnel, est d’accompagner ses patients vers l’autonomie. Donc, de quitter leur scénario. Du point de vue de l’AT, rompre une relation serait plutôt faire preuve de lucidité que de trahir. La traitrise serait d’apporter des informations confidentielles, tel un espion, au nouveau parti rejoint. Fut-ce le cas de Manuel Valls ? Sur un plan personnel, lorsque qu’un couple se sépare, la traitrise serait de diffuser des images à caractère pornographique de son ex-conjoint(e) sur les réseaux sociaux.

Au fond se pose un dilemme : envers qui suis-je loyal ?

Envers moi et mon honnêteté intellectuelle ou envers l’autre, avec qui j’ai passé un contrat, il y a fort longtemps.

Il a pu être en bonne et due forme, indéterminé, il n’en est pas moins révocable. Un contrat est passé à une date spécifique où toutes les conditions pour être bien ensemble, professionnellement ou personnellement, sont réunies. Mais 10 ans après, le monde a changé, les personnes ont changé. Il est normal que ce qui était parfaitement bien avant ne le soit plus aujourd’hui. L’engagement pris un jour est d’ailleurs la raison du désengagement d’un autre jour. La loyauté se fait d’abord vis-à-vis de soi. Si mon partenaire, dans son évolution, a pris une route différente de la mienne, la séparation devient inévitable.

Quand la loyauté est une emprise

La loyauté aux autres peut devenir une symbiose, en langage courant, une emprise.

Il s’agit de se mettre en incapacité de penser et d’agir par soi-même, de peur de décevoir donc de ne rien faire ou de regarder ailleurs quand la situation ne convient plus. Cette attitude relève d’un comportement passif, l’abstention, pour maintenir la symbiose.

Dans quelques jours débutera le procès en destitution de Donald Trump, « l’impeachment ». Dix membres du parti Républicain ont voté en sa faveur. Ont-ils trahi ou sont-ils restés fidèles à leurs valeurs ? Que feront-ils à l’heure du vote ? Seront-ils loyaux envers eux-mêmes ou envers celui qui fut leur leader ?

En conclusion, il est important de différencier loyauté et allégeance et de se demander si les engagements passés ne s’opposent pas à l’autonomie d’aujourd’hui.

Les écoles récentes en AT

Le monde évolue et l’AT aussi. Le premier cercle des proches d’Eric Berne ayant montré la voie, d’autres analystes transactionnels leur ont emboité le pas en intégrant leur pratique à la théorie. L’AT continue donc à se développer. José Grégoire, dans son livre Les orientations récentes de l’analyse transactionnelle, a recensé plusieurs écoles, à noter que tous ces théoriciens sont du champ Psychothérapie . Citons ici ces nouvelles écoles.

  • L’analyse transactionnelle psychanalytique, de Carlo Moïso et Michele Novellino ;
  • La psychothérapie intégrative, de Richard Erskine et Rebecca Trautmann ;
  • L’analyse transactionnelle relationelle, de Charlotte Sills et Helena Hargaden ;
  • L’approche corporelle relationnelle, de Bill Cornell ;
  • L’analyse transactionnelle co-créative, de Graeme Summers et Keith Tudor ;
  •  L’approche narrativiste, de Jim et Barbara Allen.

 

Question

Quel lien entre l'AT et d'autres approches psychothérapeutiques ?

On connaît l’attachement de Berne à la psychanalyse et à son fondateur Sigmund Freud. Jusqu’à la fin de sa vie Berne est resté un grand admirateur de Freud même si sa pratique l’a amené à développer l’AT, mettant ainsi de la distance avec la psychanalyse. Le divan est resté présent dans sa salle de consultation.

Les années 60 ont vu aussi se développer l’école de Palo Alto, à quelques kilomètres de Carmel. Eric Berne était l’ami de Grégory Bateson, le fondateur de l’école. Il était également l’ami de Fritz Perls, qui s’est aussi éloigné de la psychanalyse pour créer la Gestalt thérapie. Notons enfin plusieurs référence dans l’œuvre de Berne à Alfred Korzybski, inventeur de la sémantique générale, dont le but était de montrer l’influence du langage dans les comportements. Quelques années plus tard la PNL exploitera l’idée que la carte n’est pas le territoire.